- Kévin Bray
Death Jam and Living Juice
Ce qui n’est pas encore né devrait vivre,
Ce qui est prêt à mourir ne mourra pas,
Ce qui est mort sera réveillé.
Dans l’exposition « Death Jam and Living Juice », Kévin Bray explore la notion de zombification qui semble influencer les multiples stratégies façonnant l’autorité ; un pouvoir qui tend à nier notre libre-arbitre.
En nous guidant à travers une exploration de différentes formes d’exploitation, qu’elles se produisent sur les corps vivants ou morts, « Death Jam and Living » Juice nous plonge dans la nature corrosive et érodante des schémas de pensée triomphants qui gouvernent nos mondes et nos sociétés.
À travers diverses observations allant des substances comme le pétrole — un liquide sombre autrefois vivant, extrait de son cimetière naturel pour être dompté — à la numérisation de nos professions et aux algorithmes qui scrutent nos comportements pour les remodeler, nous sommes invités à porter un regard critique sur de nombreuses stratégies d’extraction modernes.
Le mot « zombi » ou « zombi astral » trouve ses racines dans le créole haïtien et, est censé avoir émergé dans le contexte de la diaspora africaine, en particulier du mélange des traditions africaines et haïtiennes Vaudou. Dans ces récits, un zombie désignait un cadavre réanimé ou une personne dont l’âme avait été capturée et contrôlée par un praticien du Vaudou, souvent appelé un « bokor ». On disait que ces zombies étaient utilisés comme travailleurs et étaient essentiellement des esclaves sous le contrôle du « bokor ».
Le concept de zombies dans le folklore haïtien a été popularisé dans le monde occidental à travers divers media, notamment la littérature et le cinéma. L’un des premiers récits écrits sur les zombies dans la littérature occidentale remonte au livre de William Seabrook de 1929 intitulé The Magic Island. Le récit qu’il partage suite à son voyage introduit le concept de zombies à un public plus large en le rendant fortement sensationnel et exagéré.
Le mythe du zombie a ensuite gagné en popularité avec le film de 1932 White Zombie, souvent considéré comme l’un des premiers films de zombies. Il est suivi par une des contributions les plus importantes au genre par le film de George A. Romero de 1968 Night of the Living Dead, qui a redéfini l’archétype du zombie.
Dans cette narration cinématographique, les zombies sont passés d’entités asservies à des cadavres réanimés et guidés par une faim insatiable de chair humaine. Ce film a joué un rôle crucial dans la formation de la mythologie zombie contemporaine et a influencé d’innombrables œuvres de fiction ultérieures.
Dans le deuxième film de Romero, Dawn of the Dead, les survivants se réfugient dans un centre commercial suite à une attaque. Le film ne dépeint pas seulement la menace physique que représentent les zombies. Le lieu de la scène devient une métaphore du comportement consumériste aveugle et de la vacuité du matérialisme. Elle souligne alors comment les individus peuvent devenir obsédés par les biens matériels et la culture de la consommation, souvent à leur propre détriment.
Dawn of the Dead était innovant grâce au mélange de l’horreur et des commentaires sociaux. Il a joué un rôle crucial dans le développement de la signification culturelle des zombies au-delà de simples monstres, pour en faire des symboles critiques des enjeux sociétaux. Cette satire sur la consommation est un thème central de ce film et une source d’inspiration pour l’exposition « Death Jam and Living Juice ».
Son voyage commence par une analyse comportementale de la croûte terrestre, une entité minérale dynamique qui a façonné la surface de la planète depuis l’ancienne Pangée jusqu’à sa configuration actuelle. Le mouvement incessant des plaques tectoniques, bien que graduel, exerce une influence significative sur de nombreuses dynamiques géopolitiques, déterminant les zones de domination mondiale ainsi que celles soumises à l’exploitation.
La Terre, tel un coffre-fort rempli de richesses cachées, abrite une multitude de ressources, exploitées pour soutenir les structures de pouvoir et susciter des conflits. Alors que bon nombre de ces matériaux extraits sont de nature minérale, une catégorie domine : les ressources biologiques. Ces atouts inestimables, autrefois florissants en tant que phytoplanctons et plantes, se sont depuis métamorphosés en gaz, en pétrole et en charbon, servant de liquide vital à nos machines. Ils alimentent et accélèrent notre poursuite limitée de croissance et nos désirs infinis.
Prenant comme point de départ le « Death Jam » (le pétrole), nourrissant nos besoins énergétiques toujours croissants, Bray aborde une autre forme de zombification, celle qui aspire notre « Living Juice » (notre sueur, notre énergie vitale) pour générer des habitudes numériques addictives.
En cherchant à commenter comment les plateformes numériques utilisent des techniques de gamification et des interfaces addictives pour captiver les utilisateurs, il réfléchit aux stratégies qui encouragent un engagement prolongé sans résultats significatifs ou productifs. Les notifications, les likes et les commentaires sur les plateformes de médias sociaux stimulent les réponses de dopamine, renforçant la compulsion à continuer d’utiliser l’appareil, même dans des contextes inappropriés ou peu sains. De plus, la collecte et l’analyse de données numériques, appelées surveillance ou extraction de données, peuvent influencer de manière significative les comportements et les expériences en ligne.
Le terme « zombification » symbolise l’idée que des forces extérieures peuvent secrètement influencer ou manipuler les actions et les choix en ligne des individus, souvent sans leur pleine conscience ou leur consentement. Cela souligne la potentialité de l’érosion de l’agence personnelle et de l’autonomie dans le domaine numérique en raison de la collecte généralisée et de l’utilisation de données personnelles.
Dans ce paradigme numérique, des questions se posent sur la surveillance subtile rappelant le panoptique de Jeremy Bentham — une structure carcérale où la probabilité d’observation reste constante, même si elle est cachée à la vue. Ce panoptique numérique diffère de son homologue physique en stimulant constamment les occupants, engendrant un état d’amnésie induit par la distraction qui atténue le malaise généralement associé à la captivité. Cela conduit à une distanciation de la souffrance, de la douleur qui habituellement inciterait les gens à vouloir changer leur situation.
Tandis que nous sommes divertis par 2Pac ressuscité sur scène grâce à des hologrammes, Michael Jackson sortira un nouvel album en novembre, l’IA vous permet de parler avec des versions virtuelles de proches décédés, et des zombies virus sont sur le point de sortir de la permafrost — autant de formes de zombification contemporaines dont nous sommes témoins aujourd’hui.
Kévin Bray a notamment été exposé à The Transformation of Matter Creates Light, Trauma Bar und Kino, Berlin, 2022 ; Wills, Wheels, Wells, Future Gallery, Berlin, 2021 ; Breakdown After Before, Dordrecht Museum, Dordrecht, The Netherlands, 2021 ; Don’t forgive/get, them, Stigter Van Doesberg, Amsterdam, The Netherlands, 2020 ; and Morpher III, Foam Amsterdam, The Netherlands, 2020.
His work was also shown in group exhibitions, such as L’anima Navigue, Future, Ancien, Fugitif, Palais De Tokyo, Paris, France, 2019 and RijksOpen, Amsterdam, The Netherlands, 2018.