Spiaggia Libera

en Projets Artistes
ARTISSIMA - Solo Booth by Jack Warne - 31.10 - 03.11
Odyssea - Acte II : Le sel de la terre
2024
Odyssea - Acte II : Le sel de la terre
  • Odyssea : Acte II - Nina Boughanim - Michele Gabriele - Brandon Gercara - Laura Gozlan - Samir Laghouati Rashwan - Valentin Vert
  • Marilou Poncin
  • Gaby Sahhar

Odyssea - Acte II : Le sel de la terre

07.09 → 21.09
Vue d’exposition, *Odyssea - Acte II : Le sel de la terre*, spiaggia libera, Paris, France, 2024. Photo © Aurélien Mole

Vue d’exposition, Odyssea - Acte II : Le sel de la terre, spiaggia libera, Paris, France, 2024. Photo © Aurélien Mole

Après une épopée fantasmagorique depuis les fonds marins jusqu’à la surface de la terre, de la femme-poisson mythique à une figure contemporaine émancipée lors de la première édition marseillaise d’Odyssea – Le chant des sirènes –, se profile désormais un univers nébuleux, post-capitaliste dans lequel évoluent des créatures en quête de changement. Le sel de la terre propose ainsi d’explorer un autre espace-temps, que l’on peine à replacer dans une histoire linéaire et qui s’apparente à un récit d’anticipation. Le sel, connu pour ses vertus corrosives et purificatrices, se matérialise ici en amoncellement de gravats calcinés au sein desquels les pièces des artistes se déploient.


Désormais réduits à une vie souterraine, les restes de nos sociétés subsistent sous ses vestiges. Des objets de notre ère parsèment le sol et se mêlent à ceux d’un futur qui prend place dans les entrailles terrestres. Dernier espace habitable, le creux du monde accueille les traces de nos civilisations. Aux ex-voto – souvenirs de rites ancestraux dont on ignore désormais la signification – se mêlent des outils technologiques dont la fonction nous échappe. Ces ruines éparses qui contiennent des fragments d’une humanité disparue jonchent un sol de roche noire qui envahit l’espace de la galerie. Les spectateur·rices sont invité·es à parcourir ce tapis de suie, symbole d’un univers en cendres qui ne demande qu’à se régénérer.

Vue d’exposition, *Odyssea - Acte II : Le sel de la terre*, spiaggia libera, Paris, France, 2024. Photo © Aurélien Mole

Vue d’exposition, Odyssea - Acte II : Le sel de la terre, spiaggia libera, Paris, France, 2024. Photo © Aurélien Mole

Samir Laghouati-Rashwan, Screw House, 2024, résine, cadre aluminium, impression laser, chaîne en acier inoxydable, 41 x 61 cm. Courtesy the artist. Photo © Aurélien Mole

Valentin Vert, Naphtex Kerogen (ou les remords de Prométhée), 2024, bitume, acier inoxydable, bec d’argand, kérosène, eau, 150 x 80 x 80 cm. Courtesy the artist. Photo © Aurélien Mole

De cet abîme terrestre émergent les pans de différentes narrations et époques qui s’enchevêtrent. Les pièces de Samir Laghouati-Rashwan se conçoivent alors comme un condensé de ce qui a pu être dans le monde d’avant. Images d’archives de sources diverses, contenant en elles les récits de différents événements sociétaux, politiques ou historiques, ses travaux sonnent comme des résidus d’un univers disparu.


Dans le même temps, la lampe à pétrole de Valentin Vert témoigne d’une ambivalence formelle entre mécanisme ancien datant de l’époque des mines ouvrières et appareil futuriste aux propriétés insondables. Par son caractère industriel et son apparente technicité, elle devient le conducteur d’histoires enfouies et nous pousse à réfléchir à l’avenir des ressources fossiles ainsi qu’à une inévitable combustion de la terre.

Vue d’exposition, *Odyssea - Acte II : Le sel de la terre*, spiaggia libera, Paris, France, 2024. Photo © Aurélien Mole

Vue d’exposition, Odyssea - Acte II : Le sel de la terre, spiaggia libera, Paris, France, 2024. Photo © Aurélien Mole

Vue d’exposition, *Odyssea - Acte II : Le sel de la terre*, spiaggia libera, Paris, France, 2024. Photo © Aurélien Mole

Vue d’exposition, Odyssea - Acte II : Le sel de la terre, spiaggia libera, Paris, France, 2024. Photo © Aurélien Mole

Marilou Poncin, sleepy in a ray skeleton, 2024, céramique émaillée, impression photo et résine, 30 x 24 x 14 cm. Courtesy the artist & spiaggia libera, Paris. Photo © Marilou Poncin

Revenu des abysses – repère originel des sirènes – le triton de Michele Gabriele fait office de passerelle entre les deux actes. Présent dans les deux expositions, il porte un regard impénétrable sur l’état d’un monde en chute libre. La sculpture de Nina Boughanim, quant à elle, se répand au sol à la manière d’une créature échouée. Mêlant éléments trouvés et accessoires féminins lui conférant une dimension organique, celle-ci se change en relique mythique qui répond à sa gravure onirique à caractère prophétique.


Enfin, les coquillages de Marilou Poncin révèlent des figures féminines, le plus souvent issues du monde numérique. Les carapaces émaillées ou formes grouillantes qui les enserrent sont comme des portails temporels nous laissant parvenir des images de l’au-delà.

Vue d’exposition, *Odyssea - Acte II : Le sel de la terre*, spiaggia libera, Paris, France, 2024. Photo © Aurélien Mole

Vue d’exposition, Odyssea - Acte II : Le sel de la terre, spiaggia libera, Paris, France, 2024. Photo © Aurélien Mole

Pendant du chapitre marseillais au sein duquel régnaient des créatures aquatiques, le moment de la métamorphose du monde et du basculement d’une civilisation est ici mis en lumière avant que les décombres ne laissent place à de nouvelles formes de vie. C’est ainsi que Bloom, le personnage incarné par Brandon Gercara, renaît des cendres du Piton de la Fournaise, volcan réunionnais toujours en activité. Cet éveil – suivi d’une marche tâtonnante dans ce paysage déserté accompagnée d’un texte en voix-off – est aussi une manière pour l’artiste d’aborder les luttes menées par la communauté LGBTQI+ réunionnaise.


Dans une autre perspective, la peinture Transitional de Gaby Sahhar laisse entrevoir un être sans visage, délesté de toute assignation de genre ou de sexe, évoquant les questions identitaires de même qu’iel esquisse les possibles évolutions ou dépassements de l’humain dans les siècles à venir. Les sculptures de Laura Gozlan, figurent quant à elles des organes externes qui se répondent au son d’un jeu vidéo qui fait office de poux palpitant. Cage thoracique suintante, sa sculpture vibrante fait écho à des formes sinueuses emplies de câbles et fragments d’animaux marins lyophilisés qui suggèrent d’énigmatiques réseaux sanguins.
Sur les cendres de notre passé germent des corps mutants en pleine gestation qui semblent présager du futur de l’humanité et viennent ainsi clore le deuxième acte d’Odyssea.

— Camille Velluet

Laura Gozlan, Inner chains #7, 2018, tubes en plexiglas, époxy, ginseng, pieuvre séchée, câbles usb, aluminium, piles, garrot en latex, support en fer, 130 x 90 x 50 cm. Courtesy the artist & Valeria Cetraro.

Gaby Sahhar, Transitional, 2023, huile sur toile, 55 x 45 cm. Courtesy the artist & spiaggia libera, Paris. Photo © Aurélien Mole