- Marilou Poncin
Art-o-rama 2024
À l’occasion de l’édition 2024 d’Art-o-rama à Marseille, la galerie spiaggia libera présente l’exposition Moonlight & Sunburn de Marilou Poncin qui interroge la représentation du corps féminin à l’ère digitale. À travers un dialogue entre réel et virtuel, tangible et fantasmé, l’artiste explore comment les nouvelles technologies transforment notre perception de la féminité, du désir, et de l’identité.
Au centre de l’exposition, posant le décor, un mural créé par une intelligence artificielle incarne la lumière si caractéristique du sud de la France, celle de Marseille. La ville se devine à travers des fragments d’architecture marseillaise, baignant dans cette lumière chaude et vibrante qui colore la plage et teinte chaque recoin d’une intensité méditerranéenne. Ce ciel, qui s’étend en toile de fond, devient une surface de projection pour les rêves et les songes, un espace où tout semble possible. C’est une invitation à se perdre dans un horizon indéfini, à explorer les profondeurs de l’inconscient
Sur le mur de droite, un grand autoportrait de l’artiste se dresse, entouré d’éléments symboliques comme la table basse sur laquelle un coquillage est posé, rappelant une structure squelettique. Le corps de Marilou Poncin, évoque les profondeurs des mers, recouvert par une vase organique, des algues et de la terre. Ce drapé, inspiré des canons classiques de la peinture, façonne la figure d’une nymphe aquatique, une vision onirique et mystérieuse de la féminité.
Le corps féminin, parfois semblant surgir des profondeurs, parfois semblant se fondre dans le paysage, devient ambigu. Est-elle une statue figée par le temps ou une entité prête à reprendre vie, comme dans certaines légendes mythologiques ? L’artiste joue avec cette incertitude, interrogeant la disponibilité du corps féminin, offert au regard, prêt à satisfaire les désirs de l’autre, notamment ceux de la perspective masculine.
Autour de cet autoportrait gravite une série de pièces – céramiques et dessins – qui interrogent la représentation du corps féminin. Ces images, parfois collectées dans d’anciens magazines pornographiques, parfois capturées par l’artiste elle-même, défient la datation. Poncin détournent ces images, les intégrant dans une nouvelle narration onirique qui transcende leur fonction initiale de projection du désir masculin. Elle les réapproprie, leur offrant une nouvelle vie à travers un prisme plus poétique et moins réduit à la seule dimension érotique.
Le travail instinctif de Marilou Poncin sur la couleur et la matière crée des œuvres organiques, où les sensations se mêlent aux textures. L’exposition, comme son titre Moonlight & Sunburn le suggère, joue sur l’idée de dualité – la lune et le soleil, la surface et la profondeur, le visible et l’invisible. Cette alternance se retrouve dans la lumière des pièces, souvent plongées entre le coucher du soleil et le lever du jour, moments suspendus où le temps semble s’étirer, où tout devient flou, indéfinissable.
Les figures de naïades et de nymphes aquatiques apparaissent tout au long de l’exposition, telles des visions fantasmées déposées à la surface de l’eau. Les coquillages et les gouttes, éléments récurrents dans le travail de Marilou Poncin, matérialisent le liquide de manière plastique, créant une expérience sensorielle immersive. L’artiste joue avec les sens du spectateur, utilisant des textures organiques pour provoquer une réaction tactile et émotionnelle. Ces éléments deviennent des mirages, des illusions qui flottent entre deux mondes, tout comme la lumière indéfinissable qui baigne le mural de ciel central.
Marilou Poncin est une artiste dont le travail explore nos fantasmes à l’ère des nouvelles technologies. Ses œuvres mettent en scène des camgirls, des avatars, des love dolls et des influenceuses, ces figures féminines qui peuplent l’imaginaire digital. Chaque monde fantasmagorique qu’elle crée dévoile nos rapports individuels et collectifs aux sociétés dans lesquelles nous vivons, entre goûts, désirs, manques et préjugés.
Manipulant aussi bien la vidéo que la photographie, la peinture ou la céramique, Marilou Poncin croise différents formats et médiums. Par des agrandissements et des accumulations d’images, elle réduit la distance entre ses sujets et les spectateurs, leur offrant une expérience tactile des images et des corps. Moonlight & Sunburn incarne cette démarche, invitant les visiteurs à naviguer entre les réalités visibles et invisibles, à explorer les reflets d’un monde tangible et les mirages d’une imagination fertile.
Sacha Guedj-Cohen