- Petra Cortright
- Soukaina Joual
- Hanne Lippard
- Romana Londi
- Chloé Royer
- Jenna Sutela
Détruire, dit-elle
« On rase tout et on met tout le monde sur la plage. C’est ce que je voudrais. Tout le monde sur la plage. On casse tout et on recommence. »
Marguerite Duras
La révolution selon Marguerite Duras, portée par une savoureuse métaphore balnéaire. Voici le point de départ de la galerie Spiaggia Libera, la plage libre. Dans une ruelle du troisième arrondissement de Paris, derrière le musée des Arts & Métiers, un rayon de soleil s’échappe, frappe de plein fouet la vitrine, et vient caresser les oeuvres. Tout le monde sur la plage, face à la mer imaginaire.
En toile de fond, l’insurgence contre l’intensification de la privatisation des zones côtières en Italie, et plus largement contre un monde qui se referme sur lui-même.
Spiaggia Libera est un simple panneau de signalisation à l’entrée de la plage indiquant un accès libre pour tous. Cet objet originellement à caractère strictement informatif, se mue en une injonction, un slogan qui prend des airs de résistance.
Aujourd’hui, la Galerie Spiaggia Libera est également un espace libre au sein duquel les oeuvres de six artistes femmes se répondent et dialoguent entre elles. Elles viennent de différentes scènes internationales, de différentes géographies. Mais sur la plage, ne regarde-t-on pas tous.tes à l’horizon ?
L’exposition inaugurale, Détruire, dit-elle, rassemble autant de pratiques autour de la déconstruction des codes et des corps ; un mouvement porté par le regard des femmes. Le titre de l’exposition est tiré d’un roman de Marguerite Duras, écrit en 1969. Il se situe quelque part dans un hôtel, entre utopie et désillusion.
La proposition incisive de l’autrice — tout raser et tout recommencer — résonne aujourd’hui avec notre tentative de trouver de nouvelles manières de vivre ensemble, transposant cette idée de renaissance à notre présent. Empreinte de ce refrain, l’exposition, et principalement les oeuvres qui la composent, sont à la fois les souvenirs des révolutions passées, les témoins des combats contemporains, esquissant les contours, les chapitres d’un mode d’emploi pour demain.
L’engagement des artistes de Détruire, dit-elle traduit leur présence au monde. Un engagement qui passe par le corps, à la fois arme et bouclier dans notre société. Un élan collectif, un grand plongeon dans l’immense étendue. Détruire — un mot, infinitif marqué par l’infini.
Le sentiment de bonheur du baigneur est bien plus que la joie rafraîchissante de l’eau fraîche : en plongeant dans la mer, emplie de la terre toute entière, nous devenons les témoins sensoriels d’une union cosmique, de l’étreinte de la mer et de la terre – que toutes deux attendent.
Texte d’exposition : Sacha Guedj Cohen